Shapers : l’envers du décor avec Yoris Delahaye
L’ouvreur Yoris Delahaye revient sur les envers du décor de sa seconde pratique : shaper. Un métier particulier et important pour le monde de l’escalade.
Tu peux te présenter ?
Je m’appelle Yoris Delahaye, je suis chef de projet et shaper pour les prises d’escalade de la marque française SNAP. Nous avons présenté les nouvelles séries de prises Snap au salon de Halls and Walls (All) en Novembre 2019.
Je fais aussi partie de l’équipe prestigieuse d’ouvreur d’Arkose. Je suis également amené à ouvrir des compétitions d’escalade fédérales en tant qu’ouvreur indépendant. Cela fait 5 ans que je suis ouvreur en escalade et j’ai intégré la double casquette de shaper depuis 1 an et demi.
Je pratique l’escalade par passion depuis plus de 15 ans (Bloc, voies, grandes voies, trad, alpinisme, expédition). J’aime la polyvalence dans l’escalade, l’ensemble de possibilités pour grimper est infini!
Pourquoi faire ce métier ?
C’est un métier enrichissant qui permet de participer activement à l’évolution de l’escalade. Pour moi, il consiste à créer une prise d’escalade et à ensuite l’essayer en ouverture! Il me permet d’approfondir encore plus le métier d’ouverture, en allant travailler la prise en fonction de mes aspirations d’ouvertures ou de mes expériences de grimpe en milieu naturel.
Les prises d’escalade sont les ingrédients essentiels de l’ouverture de blocs ou de voies. Sans bons ingrédients de base, il est très difficile de proposer un bon plat! Plus la variété de formes et de texture est importante, plus il est possible de créer des voies variées avec du caractère.
J’adore tout ce qui est manuel mais associé à une réflexion de créativité. Le shape se situe entre la «sculpture d’art» et le design de produit. Je suis passionné par la recherche, par le processus de création, par les micros-réglages qui me poussent à retourner dans le labo shape pour ajouter de nouveaux ingrédients exotiques au menu!
La démarche pour créer une prise ?
La démarche pour créer une prise est un peu comme une recette de cuisine que l’on doit inventer soi-même! Il y a plusieurs étapes générales mais la première partie la plus importante est l’imagination! Il s’agit d’imaginer, de chercher et de découvrir «l’ADN» de la prise. C’est cette identité qui donne le caractériel unique, le concept que l’on met dans la prise.
On commence par un bloc de mousse, il en existe de différentes densités. La densité de la mousse choisie aura un effet sur la texture finale de la prise. Les scies, les couteaux, les limes, les embouts Dremel et le papier de verre sont les outils du métier.
On dégrossit à la scie le bloc afin de lui donner l’identité de la forme ou l’on obtient une première forme. On va ensuite travailler cette forme brute à l’aide d’outils pour lui donner les courbes et les arrondis qui donnera une forme générale. La troisième phase est la plus délicate, elle consiste à affiner les détails pour enfin créer la prise d’escalade que l’on a imaginée.
La quatrième étape est le travail de surface, pour jouer sur la texture, y rajouter du grain pour l’adhérence ou au contraire la rendre lisse pour qu’elle glisse.
Quel est le lien entre un ouvreur et un shaper ?
Le lien entre les deux métiers est bien évidemment l’escalade. Tu mets une part de rêve dans la prise que tu crées afin de donner une nouvelle dimension à l’ouverture et à la grimpe. Créer une prise, et ensuite avoir le plaisir de jouer avec cette forme en ouverture. L’ouvreur continue le travail du shaper en utilisant la prise dans tous les sens, en la détournant de sa volonté première, ou en la transformant lors du montage de prise. Il y a un lien entre le design de la prise et ce que l’on en fait par la suite!
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Mes sources d’inspiration peuvent autant venir du rocher que de formes urbaines que tu croises dans la vie de tous les jours et qui te donnent envie grimper. Cela peut arriver à n’importe quel moment, et tu te dis que ce serait fun de grimper là-dessus. Ce sont les formes évolutives qui sont intéressantes. Celles qui bougent lorsque tu les tournes, les formes asymétriques et celles qui ont une belle esthétique.
Lorsque je suis dans le processus de création de prises d’escalade, je regarde tout ce qui m’entoure d’un œil nouveau et curieux, je dessine beaucoup et je pense qu’à trouver de nouvelles formes.
Un bon shaper c’est quoi selon toi ?
Selon moi il s’agit de quelqu’un de créatif qui sait s’inspirer de ce qui l’entoure, de réinventer ou de casser les concepts établit. Il faut pouvoir imaginer de nouvelles formes, qui seront intéressantes ou fun à grimper dessus. Une bonne prise est agréable à utiliser en ouverture, elle doit pouvoir être utilisée dans différents styles et mouvements. Il pousse l’exploration des idées jusqu’à leurs limites, avoir une personnalité de «chercheur de trésor».
Un grand merci à Yoris Delahaye pour son retour d’expérience.