La préparation mentale en escalade, avec Jonathan Bel Legroux

Jonathan Bel Legroux est coach mental depuis 2010. Avec un master STAPS et un diplôme d’éducateur sportif, il est le précurseur en France de l’usage de l’hypnose et de l’autohypnose dans le sport. Il est l’auteur du best-seller « Autohypnose et performance sportive » paru en 2018 aux éditions Amphora. Et dans cet article, il nous explique ce qu’est la préparation mentale en escalade avec notamment une technique pour progresser dans ce domaine !

« Libère toi », « laisse-toi grimper », « fais toi confiance », « ne pense pas à la chute », « t’inquiète pas, je t’assure », « déstresse, la prochaine prise elle est bonne », « grimpe détendu », « pense pas aux autres… » Autant de phrases que vous avez pu entendre aussi bien au pied des falaises, des blocs, qu’en salle d’escalade n’est-ce pas ?

Le dénominateur commun de toutes ces phrases, quel est-il ? Les émotions ? La peur ? La confiance ? Les pensées ? Ne serait-ce pas ce que nous pourrions appeler le mental ?

L’escalade est un sport où le mental est déterminant. C’est même un des rares sports où il a une place spéciale dans ce qu’on nomme « la lecture » avant le passage à l’action. Parfois, le grimpeur va avoir un mental fort, dans un style d’escalade spécifique, sur une falaise fétiche, ou accompagné de certaines personnes. Et puis il arrive que le mental lâche. Un peu comme quelque chose d’insaisissable. On l’aurait, ou on ne l’aurait pas. Alors, on entraine la pose de pied, le travail technique, la force des doigts. On tente de booster les autres paramètres. On laisse le temps au temps en se disant : « un jour, ce blocage passera, ou pas… ». Je m’appelle Jonathan Bel Legroux et mon travail consiste à entrainer le mental des sportifs pour qu’ils réussissent, et cela qu’importe leur niveau et leur objectif. Je suis coach mental, et voici quelques points à connaitre sur l’importance du mental en escalade.

Je vais volontairement tourner la question autrement. Qu’est-ce que ce n’est pas ? Car le mental, ce n’est pas uniquement le moment où on se met à crier dans plusieurs mouv’ pour tout donner. Ces moments de fight que certains connaissent bien sont souvent les conséquences de ce qui qui a été mis en place auparavant, dès le début de la voie, dès le moment où l’on met les chaussons, parfois même les jours précédents.

Vous partez en falaise ou en session de bloc dans quelques jours ? Vous y pensez quelques instants, vous anticipez d’aller taper quelques runs dans un projet ? Vous êtes en train de préparer votre mental.

Autrement dit, le mental est l’ensemble des idées et des images que l’on se fait en anticipation d’une action, ou que l’on se remémore, sous forme de souvenirs. C’est l’ensemble des réactions qui se passent dans nos têtes qui nous amènent à ressentir des émotions comme la peur, le stress, l’euphorie, le doute. Et comme on ne nous apprend pas à l’école à créer de la confiance sur commande, ni à atténuer une peur de la chute, le mental fait parfois un peu ce qu’il veut de nous.

Sauf que le pilote c’est nous. Toutes ces réactions que nous avons en grimpant, nous ne sommes pas nés avec. Nous les avons apprises, et ce qui a été appris peut être modifié, amélioré, voire désappris.

Voici un exemple : pendant 10 ans, un grimpeur grimpe en tête sans problème. Puis, après une chute sans conséquences bien qu’inconfortable, il ne parvient plus à être à l’aise en tête. Il continue l’escalade mais pris par ses émotions, il n’est plus le même. Son cerveau a créé un programme pour le préserver de la possibilité de revivre une situation similaire. C’est malin de sa part, mais c’est dommage parce que le grimpeur aime son activité. Ce serait bien de pouvoir communiquer avec notre mental lorsqu’il prend ce genre de décision pour nous. Car ce serait intéressant de choisir les pensées que notre mental va nous imposer lorsqu’on est au-dessus de la dégaine dans un pas de dalle technique, non ? Eh bien c’est possible.

Lorsqu’il y a un conflit entre l’imaginaire et la réalité, c’est souvent notre imagination qui gagne. D’ailleurs, la lecture en escalade n’a-t-elle pas pour objectif de préparer la réalité ? On pratique un sport où on a bien compris l’impact de l’imagination via la visualisation. Le but de la préparation mentale c’est d’apprendre à gérer son imagination, ses pensées, ses émotions pour que la tête et le corps aillent ensemble au même endroit : en haut.

Notre mental a son mode d’emploi et son langage, mais il a aussi son moteur : L’émotion. Rappelons-nous que la motivation, par exemple, peut être présente dans un fight mais qu’elle est aussi importante tout au long de l’année. De ce fait, la préparation mentale peut avoir lieu toute l’année. Les techniques sont nombreuses pour la développer : visualisation efficace, hypnose, autohypnose, sophrologie, techniques de respiration… Les outils sont variés. Des professionnels existent, mais le premier coach mental, c’est vous. En fait mon objectif, en tant que coach, est d’être inutile pour les sportifs le plus rapidement possible. Comment ? En les rendant autonomes dans la gestion de leur mental.

Vous avez un blocage mental dans une voie, dans un mouv, ou dans une cotation ? Testez ceci.

Prenez un moment pour vous demander quelle est la première image qui vous vient par rapport à cette difficulté. Demandez-vous si celle-ci prend plutôt la forme d’un film ou d’une photo, en couleurs ou en noir et blanc. Puis imaginez que vous pouvez en faire ce que vous voulez : Sous quelle forme pourrait-elle avoir moins d’impact sur vous ? Plus petite ? Plus floue ? Testez en transformant la forme de l’image jusqu’à remarquer qu’elle perd l’impact qu’elle avait sur vous. Une fois ce « jeu » mental achevé, lancez-vous et allez grimper pour remarquer la différence.

Le grimpeur est par nature quelqu’un qui va regarder une paroi et imaginer un passage pour aller vers un objectif, là où d’autres ne verraient qu’un obstacle infranchissable. Finalement, entrainer son mental revient à faire la même chose à l’intérieur de soi-même. Je vous souhaite d’aller au sommet des parois, des blocs, des voies qui vous font rêver, tout autant que d’aller au sommet de vous-même.

Jonathan Bel Legroux est coach mental depuis 2010. Avec un master STAPS et un diplôme d’éducateur sportif, il est le précurseur en France de l’usage de l’hypnose et de l’autohypnose dans le sport. Il est l’auteur du best-seller « Autohypnose et performance sportive » paru en 2018 aux éditions Amphora. Il accompagne des athlètes professionnels au niveau international et olympique, donne des stages et des conférences sur la performance au grand public, et intervient dans différentes fédérations sportives. Vous pouvez le retrouver sur Instagram et suivre ses aventures en cliquant-ici.