Dépasser la « fausse » peur du vol avec Jonathan Bel Legroux

Après nous avoir présenté ce qu’est la préparation mentale en escalade, Jonathan Bel Legroux s’attaque à un nouveau sujet : dépasser la « fausse » peur du vol.

Dépasser la "fausse" peur du vol avec Jonathan Bel Legroux
Natalia Grossman chutant au sommet de la voie finale de la coupe du monde de Villars ! Photo : K-ptur
Introduction

Bon, d’accord, j’avoue qu’avec un titre comme celui-là, j’ai intérêt à m’expliquer derrière, sinon je ne me ferai pas que des amis… C’est parti. Personnellement, je vois mon job de deux façons. En tant que coach mental, je suis dans un paradoxe, d’un côté la peur est mon métier puisqu’elle est souvent le sujet central, et de l’autre… je suis le pire cauchemar de la peur.
Mais d’abord, de quoi parlons-nous ?

La peur, une émotion utile

Chaque émotion a son utilité : la colère permet de poser des limites, la tristesse sert à exprimer un manque, la peur sert à protéger. Tout simplement. Sans la peur, nous serions sans doute dans un monde peuplé de grimpeuses et de grimpeurs inconscients au mauvais sens du terme. La peur, tous les êtres humains la connaissent. Le cerveau sait la créer, notamment dans une zone qui se nomme l’amygdale. Par contre, nous n’y réagissons pas tous de la même façon. Des études assez médiatisées ont été effectuées sur les performances d’Alex Honnold. On a entendu des raccourcis selon lesquels il n’avait pas peur. Ce qui est faux. Il sait juste mieux maitriser cette émotion, voire ne pas y réagir. Un peu comme quelqu’un qui serait régulièrement exposé à un venin et qui ne réagirait presque plus à celui-ci.

Autrement dit, on ne réagit pas tous de la même façon aux objets de la peur. Pourquoi ? Parce que la peur a été apprise. Un nouveau-né ne vient pas au monde avec la peur de la chute en escalade, ou la peur de grimper en tête, ou en dièdre, ou même celle de parler en public, ou celle d’être évalué en compétition… La peur s’apprend au fil de notre parcours de vie. Et tout ce qui peut être appris, peut être désappris. A vrai dire, nous arriverions au monde avec un package de base de peurs liées aux bruits forts, au froid (puisque nous n’avons pas de fourrure), aux rampants (puisque ce sont nos premiers prédateurs naturels, selon une programmation issue de celle de l’homme des cavernes), à la solitude (car contrairement aux autres grands mammifères, un nouveau-né humain n’est pas rapidement autonome) … Vous voyez ? Rien à voir avec la peur de la chute. D’ailleurs, avec le temps, ces peurs dites de base disparaissent très souvent toutes seules, alors que d’autres apparaissent… Comme celles que le grimpeur va connaitre dans son sport.

L’erreur de la peur de la chute

Notre vie est remplie de scénarios angoissants, fabriqués par notre imagination, qui ne verront pourtant jamais le jour. Le mental, dans un souci de protection, est très fort pour nous faire des films incroyables, qui vont nous faire peur. Autrement dit, la peur est issue de notre imagination. Et elle n’est vraie que parce qu’on y croit. L’erreur serait de croire, lorsqu’on grimpe, que les scénarios sont vrais. Et de croire que la peur est le problème. Car le problème, chez le grimpeur limité par la peur, ce sont les conséquences. Par exemple, celles de la peur de la chute.

Derrière la peur de la chute, se trouve une autre peur, et c’est elle le vrai sujet à travailler et à dépasser. Ex : j’ai peur de chuter et de me faire mal/ et de me dire que je n’ai pas le niveau/ et que les autres se disent que je ne suis pas en forme… Vous voyez ? Le problème de la peur de la chute c’est que ce n’est pas elle le problème, mais ce qu’il y a derrière. Trop souvent on se focalise sur elle, alors qu’il faudrait se concentrer sur ce qu’elle dissimule.

Faire de votre peur un moteur

Voici une petite technique pour commencer à vous libérer de la vraie peur. Laissez tomber la peur du vol, c’est un leurre.

Une fois que vous aurez ciblé ce dont vous avez réellement peur si vous chutiez en escalade, construisez une image mentale de ce scénario et, les yeux ouverts ou non, mettez cette image devant vous.

Imaginez ensuite avec quelle envie vous aimeriez grimper si vous n’aviez plus cette peur là (celle d’être jugé, celle de vous blesser, celle de mal tomber…). Ce second scénario doit devenir porteur d’émotions très différentes. Positives, attirantes. Comme précédemment, construisez une image mentale et superposez-la à la première, tout en la rendant plus petite, dans un angle en bas de la première.

Maintenant vous allez switcher de l’une à l’autre. Vous allez vous concentrer sur l’image de la peur, et faire grandir celle de l’angle, d’un coup, pour qu’elle prenne toute la place, avant de la ranger de nouveau en bas. Recommencez.

Au bout d’une dizaine de fois (le tout devrait vous prendre moins d’une minute) vous verrez qu’il ne vous sera plus possible de penser à la peur, sans avoir immédiatement l’envie de grimper comme vous l’avez choisi. Vous venez de commencer à apprendre à votre mental une nouvelle direction. Entre la peur et l’envie, il vient de remporter une bataille, et votre escalade aussi. A vous d’aller grimper, tester. 

Jonathan Bel Legroux

J. Bel Legroux est coach mental, master STAPS, éducateur sportif, il est l’auteur du bestseller « Autohypnose et performance sportive » paru en 2018. Il entraine mentalement des athlètes au niveau international et olympique. Intervient pour différentes fédérations sportives sur les thématiques de la peur, la prise de décision, la pression… Vous pouvez le retrouver sur Instagram et suivre ses aventures en cliquant-ici.

Jonathan Bel Legroux
Dépasser la « fausse » peur du vol avec Jonathan Bel Legroux !